Discussion:
Un cas de rhotacisme en breton central
(trop ancien pour répondre)
Jeannotin
2018-07-04 20:48:08 UTC
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En parler de Cléden-Poher, il est fréquent que dans la séquence : voyelle accentuée + [l] + voyelle atone + [n], la voyelle atone disparaisse et que le [l] subisse un rhotacisme. On a alors la séquence : voyelle accentuée + [ʁ] + [n]. Je suppose que ce fait peut s'expliquer par l'absence de la séquence de son [ln] en breton (s'il existe des mots qui la contiennent, merci de me corriger !). On remplace alors le [l] par le son le plus proche qui peut être suivi d'un [n] en breton : le [ʁ].

De nombreux noms communs sont touchés par ce phénomène. J'ai enregistré ar gar'n (le coeur) pour ar galon ailleurs :

Ya, vis(e) tenn(et) ar, e gar'n deuhoutoñ kwa
https://brezhoneg-digor.blogspot.com/2015/10/dir-dir-dir-pa-na-dorr.html ( vers 0:36)
Oui, on lui retirait le, son cœur quoi

Je sais pour l'avoir noté sous dictée, mais pas enregistré qu'on dit également :
mer'n pour melen (jaune)
an hor'n pour an holen (le sel)
ker'n pour kelen (houx)

Ce qui montre de façon frappante la force de phénomène, c'est qu'il touche jusqu'aux toponymes :

ba'r wantell ahe gis-s(e), deus Langanteg dé vek(ed) ar Stêr Var'n (à écouter ici, vers 3:12)
dans la vallée, là même, de Langantec jusqu'à Stervalen

La forme française, qui représente sans doute la forme étymologique, du nom ar Stêr Var'n est Stervalen.
Jeannotin
2018-07-04 20:49:23 UTC
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Le rhotacisme du l est très fréquent dans l'idiolecte de E., une locutrice de Scrignac dont le breton est très riche en vocabulaire, avec une phonétique d'une grande authenticité :

Mer'n eint un tamm, an hariko blij dê kaoud amzer tomm
Ils sont un peu jaunes, les haricots aime avoir du temps chaud
http://brezhoneg-digor.blogspot.com/2015/09/ur-gouel-war-ar-patates.html

Ha hañw 'h o(be)r ur paotr-plous hag a lakad 'naoñ barzh beg e skuber'nn
Et il fit un mannequin de paille et le mit au bout d'un balai
http://brezhoneg-digor.blogspot.com/2015/10/kontadenn-yann-ar-choat-bras.html

Laket vije un tamm plous, houzoh walc'h, mod-all chome, an dra-he oa 'vid lak(ad) ar men-hegor'nn !
On mettait un peu de paille, vous savez bien,, c'était pour mettre la pierre à aiguiser
http://brezhoneg-digor.blogspot.fr/2016/06/te-zo-ur-mercheter-vall.html

Les formes sans rhotacisme sont : melen (jaune), skubellenn (balai), men-hegolenn (pierre à aiguiser).

Le rhotacisme du l de holen (le sel) est déjà évoqué par Francis Gourvil dans son Que sais-je paru en 1952.
Jeannotin
2018-07-04 20:49:53 UTC
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Deux exemples tirés des enregistrements de E. de Scrignac illustrent bien le mécanisme que j'avais proposé pour expliquer ce rhotacisme : l'impossibilité de prononcer la séquence [ln] en breton. Elle dit bor'nn pour bol au singulier car [l] et [n] sont mis en contact par l'élision de la voyelle post-tonique mais bolennou au pluriel :

Set' oa gwraet ur bann'h kafe dèi ha laket ur pezh bor(e)nn dèi ! Ma haotr-kaezh-mañ, ni mamp ket bolennou bihen !
Donc on lui fit du café et on lui mit un énorme bol ! Mon pauvre gars, nous n'avions pas de petits bols !
http://brezhoneg-digor.blogspot.fr/2016/05/mojou-ar-vro.html

En effet, dans un pluriel formé par l'ajout d'une syllabe, l'accent se déplace pour rester sur la pénultième. Le e de bolennou est accentué et ne peut donc être élidé ; comme le [l] et le [n] ne sont plus en contact, il n'y a plus de rhotacisme du [l]. De même, quand elle parle à un débit plus lent, E. n'élide pas la voyelle post-tonique et le rhotacisme n'a pas lieu pour un mot où il existe à un débit plus rapide :

Ya, ah beñ ar men-hegolenn… Ar men-hegolenn zo ur matier-all mé-keres,
Oui, ah ben la pierre à aiguiser... La pierre à aiguiser c'est une autre matière si tu veux,
(débit lent)
Laket vije un tamm plous, houzoh walc'h, mod-all chome, an dra-he oa 'vid lak(ad) ar men-hegor'nn !
On mettait un peu de paille, vous savez bien,, c'était pour mettre la pierre à aiguiser
(débit rapide)
http://brezhoneg-digor.blogspot.fr/2016/06/te-zo-ur-mercheter-vall.html
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